Sans doute mon album préféré de Sheila,"King of the world". Une pochette réussie visuellement, même si sans rapport avec le contenu, puisque la chanteuse n'y aborde ni le problème d'atterrir en parachute en évitant raptors et autres ptérodactyles, ni celui de garder un brushing en place sous un lever de soleil du jurassique supérieur.
Enregistré et mixé au Power Studio de New York (sans les bidouillages Parisiens de Bernard Estardy ou le pot de miel tendu par Carrère donc) l'album est surtout l'aboutissement de la collaboration entre la chanteuse et LE groupe Disco/Funk du moment, Chic. C'est aussi la première fois qu' un album de Sheila a un titre précis, contrairement au précédent (même si la version CD le dénommera "Singing in the rain" quelques années plus tard) qui se contentait d'afficher les deux tubes principaux du disque sur la jaquette. Autre nuance: le nom de la chanteuse est enfin séparé par un logique "and" de celui de son groupe B.Devotion(révolution en fait amorcée avec le single "Spacer" quelques mois auparavant)...Personne n'aurait songé à écrire par exemple Bob Marley Wailers donc la petite anomalie syntaxique est rectifiée, ce qui satisfit grandement mon goût pour la précision linguistique! Quant à la calligraphie le nom semble bien être griffonné de la main Chancellienne mais rien n'est sûr...quoique le "S" semble très familier (trop collectionné les dizaines de posters autographiés de Podium que voulez-vous!)...Mais revenons au contenu...8 titres en tout et pour tout: cela fait un peu "light" tout de même, même si l'époque n'était pas aux 14 titres par album en moyenne comme aujourd'hui.
L'album débute avec son seul tube, mais quel tube, puisqu'il s'agit du fameux "Spacer"(version longue) qui a permis à Sheila de laisser loin derrière les autres productions disco françaises de l'époque au niveau du son et de la musique pure. Pendant que d'autres faisaient Tchoo Tchoo en essayant de ne pas louper le train, ou essayaient de prendre des cours de danse tous les lundi et mardi , Sheila, contre toute attente, se mit à faire de la vraie musique, avec du disco de qualité.
Beau coup de Carrère pour une fois, puisque Nile Rodgers déclara plus tard dans une interview à Rock & Folk qu'il avait fini par céder car "Claude le bassinait avec çà et que pour eux c'était l'occasion de travailler pour la 1ère fois avec une chanteuse blanche, et d'en faire plus ou moins ce qu'ils voulaient". Comprendre: Sheila leur servit de brouillon pour d'autres productions à venir , comme l'album "Diana" de Ms Ross la même année. Nile Rodgers déclara quand même être très fier de certains riffs de guitare sur l'album, et qu'il avait entre autre été sûr de la qualité quand Debbie Harry entra un jour en studio alors qu'ils jouaient "Spacer", et après que cette dernière fut immédiatemment séduite par ce qu'elle entendait.
"Spacer" donc. Traduisez par "Homme de l'espace" et par extension "Cosmonaute" ou "Astronaute"...Même si le nom ne figure par dans les dicos d' Oxford le terme n'est pas un barbarisme pour autant, l'écrivain sci fi Isaac Asimov ("I,Robot") l'utilse dès les années 60 dans sa saga "Foundation"...On aurait d'ailleurs préféré que ce fut lui qui écrive également les paroles dudit titre, car celles-ci sont pour le moins indigentes:une vague histoire d'amour inter-galactique entre entre une Terrienne énamourée mais méfiante ( "In our galaxy, you can't trust everyone that you meet"...était-ce déjà autobiographique?!) et un queutard extra-terrestre ("He's a ladies' man") !
Reste la musique, magique et indémodable...comme en attestent les nombreuses reprises depuis 20 ans(la meilleure restant à mon sens celle de Plaything, Into Space). Une intro piano intelligente et empreinte de mélancolie qui s'estompe jusqu'aux premières notes de batterie des musiciens de Chic. Un refrain basé sur la simplicité répétitive, comme la plupart des créations de ce groupe, deux couplets où Sheila revient à ses bons(?) vieux aigus pourtant peu prisés par le groupe(dixit l'intéressée)....non sans avoir exploré ses graves auparavant...Certains auront du mal à reconnaître sa voix, alors qu'elle est facilement identifiable, il suffit de connaître un peu le répertoire de la chanteuse pour réaliser qu'elle a aussi chanté dans ce registre auparavant. Le très sérieux (!) Jours de France avait même écrit "la voix qui sort des enceintes pourrait être celle d'une Noire"!La version longue nous offre un long break guitare/percussions vers la fin du morceau, de toute beauté, que j'ai écouté à fond dans mon premier casque stéréo plus que de raison!Comme chacun ne le sait pas c'est Sheila qui fut l'une des toutes premières en France à tourner son clip, bien avant Mylène, et si le résultat a terriblement vieilli aujourd'hui(ce "lancer de Sheila" par Danny où l'on craint qu'il envoie la chanteuse dans les décors!) il soulignait à l'époque combien la soi-disante petite fille de franchouillards moyens était en fait la plus avant-gardiste de sa bande au niveau audio-visuel...Ce tube fut réellement mondial, sans atteindre les ventes d'un "Born to be alive" certes, mais néanmoins présent partout dans le monde(je me souviens l'avoir entendu régulièrement sur la FM Argentine, dans leur sélection pop internationale) et jusque sur une piste de danse dans un club perdu sur la Péninsule de Valdès en 81!
Le deuxième titre est "Mayday"(signal de détresse qui vient en fait d'un verbe français mal reproduit phonétiquement par les anglo-saxons: "m'aider"!), qui fit l'objet d'un commentaire poussé et détaillé sur la compil américaine "The Disco years vol VI", et où l'auteur de la critique va jusqu'à voir dans le texte de ce titre une allusion à l'impuissance masculine!(The reason why I'm crashing is because you can't raise your landing gear").
On enchaîne avec "Charge plates and credit cards", une ode au crédit sous toutes ses formes et au matérialisme naissant du début de ces 80s...et à nouveau une chanteuse se maintenant dans les aigus, assez poussés d'ailleurs. Une intro très rock à la guitare, et le titre de l'album où la voix de Sheila est le plus mise en avant, avec des aigus revus et corrigés par Chic sans doute:elle pousse la note jusqu'à frôler le dérapage contrôlé. Elle nous y apprend entre autre qu'elle a pris un nom d'emprunt pour masquer son indentité: ce cher Yann Moix n'a-t-il pas déclaré que Sheila était la Romain Gary du Disco?!...("Now I've borrowed an assumed name").
"Misery", à part quelques envolées vocales plaisantes de notre Blanche préférée, se révèle trop répétitif et un peu pénible au final...
Allez on retourne la galette et Sheila nous conte son amour pour un roi du monde automobile, maisi si mais si, la fine guêpe a d'ailleurs vu le drapeau à damier s'abaisser! J'adore ce titre, une guitare intermittente sur toute la fin du morceau donnait là encore une couleur résolument plus rock que funk au morceau, et la voix de déménageur (couplets maintenus dans les graves, un rien trafiqués) de Sheila hors refrain finit de me séduire...Le titre sortit en deuxième single de l'album mais ne pulvérisa pas les hits!
Sheila n'a jamais trop eu les honneurs de la presse mode, et elle prend sa revanche dans le titre suivant, "Cover Girls", d'excellente facture...Meilleur moment:à 2 minutes 25 du morceau la batterie cesse, les guitares enflent , puis la batterie "Chiquienne" reprend:j'attendais toujours ce passage avec anticipation!
Pour finir, deux titres plus soft.
"Your love is good", qui offre un autre et joli break guitare sur la fin, et quelques paroles pour le moins sibyllines: "I drink my coffee from your loving cup"...?En voilà une tasse qu'elle est gentille!Le titre fera l'objet d'un remix très réussi j'avais trouvé en 95 sur la compil des "Années Disco".
"Don't go", qui boucle l'album, était déjà connu puisque sur la face B de "Spacer". Une Sheila qui monte bien haut encore dans les couplets, ce qui une fois encore infirme le fait que les Chic ne voulait pas qu'elle chante dans ce registre. L'accent américain n'est de toute évidence pas un don naturel(du ciel) pour l'Auvergnate de New York(il faudra attendre le prochain album US pour voir une amélioration) ...mais après tout les anglo-saxons affirment souvent craquer pour l'accent Frenchie...(on a bien eu Jeane Manson nous en France!)...Là encore ce titre est sauvé par des percussions lancinantes et prolongées, qui font oublier la banalité du propos.
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